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Le coup du fou
dimanche 27 août 2023, par
Mardi 11 juillet 1972, ouverture du championnat du monde d’échecs. En arrière-plan la guerre froide qui oppose Union soviétique et États-Unis. Les caméras du monde entier sont braquées sur l’Islande, où auront lieu en mondovision les rencontres entre les deux compétiteurs : le Russe Boris Spassky, champion en titre depuis 1964, et l’Américain Bobby Fischer. Ce dernier est un être qui vit enfermé dans sa bulle, s’exerce seul à ce jeu depuis l’âge de sept ans, boit chaque jour des litres de lait Holland et uniquement de cette marque, refuse toute compétition le samedi car son gourou le lui interdit... La victoire d’un des deux joueurs aurait sans doute un impact politique, et le narrateur ose un parallèle avec une autre guerre qui a vu s’affronter Orient et Occident, la guerre de Troie. Mais, chemin faisant, les souvenirs d’enfance remontent, inexorables et chargés de sens, qui font ressurgir du passé le père disparu du narrateur.
Écrire un avis sur "Le Coup du Fou" d’Alessandro Barbaglia est un exercice complexe qui suscite une multitude de réactions. Ce roman, qui explore le monde fascinant des échecs en se plongeant dans le duel historique entre Bobby Fischer et Boris Spassky en 1972, semble diviser ses lecteurs.
Commençons par la question de l’originalité. Comparer Barbaglia à Nabokov et son célèbre "Défense Loujine" est inévitable. Si Nabokov avait tracé le chemin de la représentation de la folie et de l’obsession dans le monde des échecs, Barbaglia choisit une route parallèle en tissant une histoire qui allie la compétition de 1972, l’Iliade d’Homère, et des éléments autobiographiques. Cette construction à plusieurs couches est en soi un tour de force, mais il est vrai que certains trouvent cette superposition thématique parfois lourde ou artificielle.
Côté stylistique, les avis varient aussi. Certains le trouvent élégant et fluide, d’autres parlent d’un "snobisme parisien" et d’un effort qui tombe à plat. Le roman flirte en effet avec une certaine emphase qui pourrait rebuter, mais n’est-ce pas le propre de tout livre qui se veut une œuvre d’art autant qu’un récit ?
Quant à l’approche psychologique, notamment avec l’évocation de Freud, elle plaira aux lecteurs qui aiment décortiquer les méandres de l’âme humaine. Cependant, elle peut aussi être perçue comme une suranalyse qui alourdit le récit.
De plus, une critique formulée concerne la méconnaissance du jeu d’échecs par le traducteur, ce qui soulève des questions sur la fidélité de la traduction. Néanmoins, il semblerait que le livre ne se centre pas tant sur les stratégies d’échecs, mais plutôt sur le comportement et l’attitude des joueurs, un choix qui rend le livre accessible même aux néophytes.
La force du livre réside sans doute dans son habilité à mêler l’Histoire, la mythologie, et le vécu personnel de l’auteur, en une épopée qui a le mérite de tenir le lecteur en haleine. Ce point est d’ailleurs souligné par ceux qui ont été "hypnotisés" par le roman, y trouvant un style "vif" qui ne laisse pas place à l’ennui. Ce sont trois récits imbriqués qui nous sont offerts, et ce mélange s’avère fascinant à plusieurs égards, particulièrement pour ceux qui partagent une passion pour la littérature et l’histoire.
Pour les personnes curieuses de l’époque de la Guerre Froide, ou pour les amoureux des récits intimes, "Le Coup du Fou" semble offrir une lecture enrichissante. Alessandro Barbaglia nous ouvre les portes de plusieurs mondes : celui des échecs, celui de la mythologie, et celui, plus intime, de la relation père-fils.
En somme, "Le coup du fou" est un livre complexe qui ne laissera personne indifférent. Il nécessite peut-être un certain état d’esprit pour être pleinement apprécié, mais n’est-ce pas là la marque des œuvres qui cherchent à transcender le simple récit pour toucher à quelque chose de plus universel et, pourquoi pas, de plus éternel ?